Mon voisin le chieur
Paraît qu’aujourd’hui, c’est la fête des voisins. Vous savez, la journée "immeubles en fête", où on est supposé tous se retrouver ce soir à l’heure de l’apéro, dans la cour fleurie de notre immeuble, pour partager avec ses aimables voisins quiches lorraines, taboulés et plateaux de fromages dressés sur de jolies nappes à carreaux rouges et blancs. (Moi, cliché ? Certainement pas).
Pfff, laissez-moi rire deux minutes, voulez-vous ? Le type qui a inventé ce concept de voisinage en fête a sans doute beaucoup d’humour, mais il n’a certainement jamais posé le bout d’un orteil dans mon immeuble, je parie. Sinon, son concept, il l’aurait relégué aux oubliettes, et plus vite que ça !
Parce que chez moi, la fête de l’immeuble, c’est tous les jours, et pas dans le meilleur sens qui soit.
Déjà, j’ai la chance d’habiter au premier étage, juste au dessus d’un petit restaurant de poissons. Voilà, je vous vois esquisser une grimace, je pense que vous avez compris ce que je voulais sous-entendre. Hé bien bizarrement, je suis plutôt vernie côté odeurs, ça ne sent que très rarement la poiscaille. En revanche, j’ai tout un tas d’autres emmerdements assez sympathiques. Du genre la soufflerie d’aération de la cuisine en permanence, et ce jusqu’à la fin du service (grosso modo, on table sur 1h30 du mat, en moyenne). Ou bien la sortie des poubelles, soit à la fin du service (donc pour ceux qui suivent, ça n’a pas changé en deux lignes, c’est encore vers 1h30 du mat), soit à l’inverse, très tôt le lendemain matin, avant le passage des éboueurs, vers 6h et des bananes. Génial, non ?
Mais surtout, j’ai le droit d’entendre en long en large et en travers toute la vie de Momo et J-B, les deux garçons de cuisine, qui se tapent allègrement la discut’ à n’importe quelle heure du service, et ce dans la petite cour située juste devant la fenêtre de ma chambre. Savoir que J-B s’est encore engueulé avec sa copine parce qu’elle est trop "pète-couille" (fin de citation), ça ne me dérange pas à 20h, mais quand je me tape leurs engueulades téléphoniques à 1h du matin, ça me donne envie de hurler à travers les volets. Surtout que la copine en question doit être ultra sourde, en plus d’être "pète-couille", à en croire le volume sonore utilisé par J-B pour lui brailler dessus.
Heureusement pour moi, le restaurant est fermé le samedi midi et le dimanche, ce qui me permet quand même un minimum de grasse matinée les week-ends. Sans quoi, je pense que j’aurais déjà pété un fusible. Sans sommeil, je deviens vite irascible. Mais qui pourrait m’en vouloir, hein ?
Mis à part le restaurant, mes autres voisins se sont aussi révélés excellents joueurs au jeu du "qui fait le plus de bruit à n’importe quelle heure sans se soucier du fait que peut-être il dérange ses voisins".
La voisine du dessus n’a sans doute pas appris qu’on est bien mieux en charentaises chez soi, et arpente donc son appart de long en large avec ses talons aiguilles, ce qui me donne un arrière fond de maracas en permanence. C’est chouette, c’est exotique. Mais c’est vite gavant, à la longue. Sans compter que cette même personne doit régulièrement se doucher en dehors de sa baignoire, vu qu’elle est responsable de pas moins de quatre fuites d’eau en deux ans (je songe grandement à envoyer sa candidature au Grand Livre Guiness des Records, d’ailleurs).
Il y a aussi une famille extrêmement bizarre, que je n’ai jamais vue alors qu’elle habite sur le même palier que moi, parce qu’ils doivent passer leur temps à guetter que personne ne rode dans les couloirs avant de sortir ou de rentrer chez eux. Sait-on jamais, on risque gros, dans les ombres et recoins des halls d’entrée d’immeubles parisiens. C’est bien connu. Je sais qu’ils sont plusieurs car je les entends s’engueuler à propos des programmes télé (les murs sont toujours trop fins, dans ces cas-là), mais je n’ai donc jamais vu leur trombine. Et ça va faire six ans qu’on partage le même escalier.
Enfin, il y a ceux qui descendent faire une course au supermarché, et se rendent compte arrivés en bas qu’ils ont oublié la liste de ce qu’il faut acheter. Mais remonter jusqu’au sixième étage sans ascenseur, c’est trop pénible. Qu’à cela ne tienne, ils décrochent l’interphone, et se font dicter la liste par leur copine ou leur colloque. Et moi qui habite donc au premier étage (je me répète pour ceux du fond), j’entends la conversation comme si j’y étais, et j’ai presque envie de passer une tête dans le couloir pour demander à l’intéressé "puisque vous y allez, ça vous ennuie de me prendre aussi deux kilos de navets et des liégeois au chocolat, s’il vous plait ?". Mais ça, j’ai pas encore osé.
Alors bon, la fête des voisins, cette année encore, ce sera sans moi. De toute façon, je peux pas, y’a Desperate Housewives à la téloche. Et va falloir que je mette le son à fond les ballons, pour couvrir le bruit de la soufflerie d’aération, les discussions de Momo et J-B, les maracas, etc…