J'peux avoir un échantillon ?
Pour renifler les effluves de la dernière fragrance Sassenbon, tester le rendu satiné du nouveau fond de teint aux particules de poudres micro-ionisées, ou tout simplement remplir de façon light sa trousse de toilette le temps d’un week-end, il faut l’avouer, les échantillons, c’est quand même bien pratique. Dommage qu’il faille presque mener le parcours du combattant pour en obtenir…
Il faudrait quand même que l’on m’explique une chose. Si j’en crois mon Petit Larousse illustré (qui commence à dater un peu, mais devrait encore faire l’affaire sur ce coup-ci), un échantillon se définit comme "une petite quantité de marchandise qui donne une idée de l’ensemble et permet d’en faire apprécier la qualité".
Jusque là, je suis d’accord. Là où je ne le suis plus, en revanche, c’est sur la personne qui va être amenée à "apprécier la qualité", justement. Parce qu’aux dernières nouvelles du front, un échantillon, c’est quand même bien fait pour donner envie aux consommatrices d’acheter. Pas fait pour que les vendeuses gardent tout pour elles et leurs copines, si je ne m’abuse !
Or, je ne sais pas si vous l’avez remarqué comme moi, mais j’ai la désagréable impression qu’aujourd’hui, il faudrait presque supplier les vendeuses pour qu’elles acceptent de nous donner quelques exemplaires de ces spécimens en voie d’extinction. On pourrait même - n’ayons pas peur des mots chocs - parler carrément de mission commando. Attention les filles, chaussez les godillots, serrez les mousquetons, affûtez les piolets, c’est parti pour la chasse aux échantillons !
Une règle d’or à connaître si vous souhaitez jouer les Lara Croft de la beauté. Retenez d’ores et déjà que si vous n’avez pas claqué au moins soixante-dix euros en eau de toilette, gloss et anti-cernes, vous ne tirerez rien de votre conseillère en parfumerie. Elle a des consignes, voyez… elle ne donne qu’aux braves filles qui ont déjà compris que pour avoir le droit de tester un nouveau produit, il faut auparavant s’être ruinée en produits relativement moins nouveaux.
Si malgré cette règle, vous osez, malheureuse, demander un échantillon à votre vendeuse, vous aurez sans doute droit à un regard condescendant et à un soupir à peine dissimulé lorsque celle-ci glissera dans votre sac un petit sachet de fond de teint, que vous auriez tout aussi bien pu vous procurer dans les pages publicitaires des magazines de filles. Elle se gardera bien de vous donner les flaconnettes toutes mignonnettes de sérum "spécial teint de bébé" ou les autobronzants "retour d’Ibiza". Pas folle la guêpe ! Elle se les garde pour elle, toutes ces merveilles gratuites !
Dans cette jungle embaumée qu’est le monde de la parfumerie moderne, certaines G.I. Jane tirent toutefois leur épingle du jeu et parviennent à extorquer (le mot n’est pas trop faible) trois ou quatre échantillons d’un coup, sans trop s’alléger le porte-monnaie ou s’égratigner l’amour-propre. Fières d’elles, pensez-vous ? Ha ha ! Jetez donc un œil sur leurs trombines déconfites lorsqu’elles découvriront que leur précieux butin se résume à des échantillons de parfums masculins ("heu, c’était pour MOI que je voulais un échantillon, madame") et qui plus est, d’une fragrance vieille de dix ans. Autant dire que pour un échantillon supposé nous faire découvrir les vertus d’un nouveau produit révolutionnaire aux effets magiques, on repassera, merci bien !
Mais ne soyons pas trop mesquine. Il arrive parfois que notre chère conseillère s’avise d’elle-même de nous gratifier d’un de ces petits cadeaux. Généralement, elle arbore son plus joli sourire pour nous asséner un "je vous ai mis un échantillon du nouveau gel purifiant spécial peaux à problèmes, avec ça, vous verrez, vos pores dilatés se verront moins", ne nous laissant alors que le choix de répondre par un sourire amer et forcé, le regard lanceur d’éclairs fulguropoings et les joues rosies de honte (oui, merci, je sais, j’ai 28 ans et encore des problèmes d’acné).
Remarquez, bientôt, le problème sera entièrement réglé, puisque les échantillons seront payants. Les marques ont déjà flairé le filon, d’ailleurs. Elles proposent leurs échantillons en guise de cadeau pour plusieurs produits achetés. Vous savez, le coup des trois doses d’essai spécial trousse week-end. C’est-à-dire qu’il faut toujours payer pour obtenir les précieux petits trésors, mais maintenant, on nous le dit clairement.
Mon conseil du jour : pour faire le plein d’échantillons, y’a pas trente-six solutions. Je n’en vois personnellement qu’une seule : devenez vous-même "conseillère en parfumerie", et vous pourrez tous les garder pour vous. Bon, sauf les échantillons de parfums masculins existant depuis dix ans, cela va sans dire…