Vingt mille lieues sous la mousse
Il doit me manquer un gène, je ne vois que ça. Pourtant, j’ai tenté l’expérience, hein. Plusieurs fois, même. Mais y’a rien à faire : j’aime pas les bains. Enfin, en y regardant de plus près, ce sont surtout les bains qui ne m’aiment pas. Et c’est pas faute d’avoir joué le jeu…
Je vous raconte ma vie deux secondes : chez moi, j’ai ce qu’on appelle une baignoire-sabot. Vous savez, cette espèce de truc infâme mi-douche, mi-bac à glaçon géant. Je sais même pas comment on ose encore appeler ça une « baignoire », mais bref, passons. Bon… Etant une fille qui aime les expériences inédites (jusqu’à un certain point, hein, je précise), j’ai essayé, quand même, d’y prendre un bain. Ouais. Un jour de bonne volonté, je me suis dis comme ça « allez hop, on y va, en route pour l’aventure, attrape ton Monsavon douceur pomme-vanille, on va s’faire un p’tit bain j’te raconte que ça ! ».
Bon ben non en fait. Le côté « jambes à l’air qui dépassent des deux côtés dans l’air froid », j’ai pas trouvé ça génial, bizarrement. En même temps, vu que le principe d’un bain, c’est de se détendre, si je dois faire de l’origami avec mes gambettes pour pouvoir tenir dans une baignoire taille minipouce, c’est pas trop la peine non plus.
Faut dire que j’arrive jamais à régler convenablement la température de l’eau, aussi… Un coup c’est froid comme la Manche en novembre (tu parles d’une détente !), un coup c’est brûlant comme l’eau bouillonnante qui n’attend plus que les coquillettes (même pas envisageable d’y tremper un quart d’orteil). Je passe donc mon temps à rajouter eau chaude ou froide selon le cas, et trois plombes plus tard, je peux enfin espérer poser mes fesses au fond de ma baignoire. En gros, faut prévoir un créneau horaire d’environ deux heures rien que pour faire couler le machin.
Bon. Et après, quoi ?
Ben après, j’me fais chier.
Sérieux. C’est là mon second grand problème : je ne sais pas m’occuper dans un bain.
Lire ? J’arrive jamais à bouquiner tranquilos. Le magazine est trop grand, il trempouille dans la flotte, gondole, double de volume, les pages collent entre elles. Le bouquin, pour peu que j’y tienne, me demande des efforts surhumains pour survivre à une hauteur respectable au dessus du niveau de l’eau. Et puis j’ai les bras qui fatiguent à force.
Jouer avec la mousse ? Ok, super. Je veux bien avoir six ans l’espace de deux minutes, mais y’a que dans les pubs Obao que les nanas s’éclatent à souffler sur la mousse avec une bouche en cœur. En vrai, c’est vite relou.
Ecouter de la musique ? booooof. Le bain, pour moi, ça rime avec silence et zen, me demandez pas pourquoi.
Ne rien faire ? Heu… c’est con mais j’y arrive pas. En tout cas, pas dans une baignoire. Autant sur la plage ou dans mon plumard, je suis championne de « glandage du rien du tout », autant dans la flotte, c’est niet.
A part regarder mes doigts se friper doucement, je vois pas. Et puis tiens, entre nous, franchement, le look papier crépon à la sortie du bain, c’est moyen glamour, hein. Nous vanter les mérites de la peau douce et satinée d’un bain aux huiles essentielles, et ressortir avec la gueule d’une vieille guirlande de kermesse fabriquée maison, je voudrais pas dire, mais ça pue l’arnaque à mille bornes quand même.
De toute façon, même si je le voulais, y’aurait même pas moyen d’être peinard. Mon débile de chat claustrophobe ne supporte pas d’être enfermé dans une pièce. Si je l’enferme avec moi dans la salle de bain, il va gratter à la porte et miauler à m’en faire péter les tympans. Si je l’enferme à l’extérieur, vous pouvez parier trois kilos de whiskas que c’est précisément à ce moment-là que mademoiselle voudra faire sa crotte dans sa litière, située – dois-je vraiment le préciser ? – à deux pas de ma baignoire.
Alors franchement, si toute cette mascarade autour du bain, c’est pour en ressortir aussi tendue qu’un string à Rio, même pas la peine…