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Gin Fizz
14 février 2009

Point break

coeur_1Bon. Où est-ce qu’on en était, déjà ? Ah oui.*

On entre tous les deux dans le fast-food. Il sort son portefeuille Waïkiki et me demande généreusement ce qui me ferait plaisir. Je murmure un vague truc, persuadée que vu les circonstances, je ne devrais même pas accepter de déjeuner avec lui, et encore moins de le laisser payer. On s’attable face à face, échangeant des banalités sans nom sur la pluie, le beau temps, et le taux de sel dans les frites.

Allez, il faut que je me lance. Il faut que je lui parle, que je lui dise que je n’ai pas envie d’être avec lui, peu importe les raisons. Mon joli speech imaginaire de tout à l’heure semble bien difficile à cracher, d’un coup. Et ce n’est pas parce que j’ai la bouche pleine, puisque je chipote du bout des doigts mes nuggets de poulet, sans grand appétit.

Aaaaah, berdol di mierda, il est là, devant moi, avec sa petite gueule d’ange, à me faire des sourires pleins de fossettes et à me demander si je veux un milkshake vanille, et moi, je ne cesse de me répéter que c’est un monstre pervers et cruel pour ne pas succomber à son charme.
Peu à peu, je me mure dans un silence atroce, faisant mine d’observer avec intérêt la plante artificielle sur ma gauche. Derrière moi, la porte des toilettes fait un bruit d’harmonica en fin de vie du plus bel effet. La situation est d’un romantisme insoutenable pour les plus prudes d’entre nous, notez.

B. ne perd pourtant pas de vue son objectif, qui est de me sortir le grand jeu aujourd’hui, et de m’inviter AUSSI au cinoche. Il doit se dire que vu mon débit de parole, à peu près aussi élevé que celui de Paris Hilton à une conférence sur l’altermondialisme, autant aller se mater un bon film dans le noir, au moins, on n’aura pas tout perdu.

Moi, cruche dans toute ma splendeur, je reste plantée là, à ne pas piper mot. Ni pour dire ce que je suis venue dire au départ, ni pour refuser le ciné en bloc. Rien. Que dalle. Une demeurée parfaite. Seule au fond du ventre, une petite boule commence à pointer son nez, me rassurant – si besoin était – sur le fait que la situation est clairement en train de se barrer en cacahuète complet.

En bon gentleman qui veut arriver à ses fins, B. a même déjà choisi le film. Un truc à base de crinolines, de perruques poudrées et de temps jadis, que jamais de la vie un mec normalement constitué n’aurait suggéré de lui-même d’aller voir. Mes bonnes résolutions de rupture express reprennent de la vigueur. Ce type est louche, c’est évident : opter pour un navet à l’eau de rose alors que Harrison Ford et son flingue jouent dans la salle d’à côté, c’est du cachalot sous gravillons puissance douze ou je ne m’y connais pas !

« C’est pas trop mon truc, mais je pensais que t’aurais envie de le voir, alors bon… », qu’il me sort, ce niais. Ben nous voilà bien, il joue au gentil, maintenant. Une fois de plus, je me la boucle, et m’assoit en silence dans la salle obscure.

Evidemment, je ne vous fais pas de dessin. Un ciné, deux ados, l’obscurité, tout ça, tout ça. Sitôt les bandes annonces commencées, B. m’enlace par l’épaule, et m’attire à lui pour m’embrasser.
C’est là, au pied du mur, que je choisis de raconter le bobard le plus merdique de ma courte carrière d’amoureuse d’alors : « non, mais en fait, je suis désolée, mais en fait, j’ai déjà un copain, et en fait, samedi, je m’étais engueulée avec lui, et c’est pour ça que en fait, avec toi, bon... mais donc, en fait, on est à nouveau ensemble, et en fait… voilà ».
Tout ça débité d’un trait sur un ton plaintif, en fixant résolument un point imaginaire sur le siège de devant pour ne surtout pas croiser son regard qui se décompose en direct. Ben tu m’étonnes, aussi. Il doit être en train de calculer rapidos le prix du menu Big Mac et de la place de ciné tarif jeune, ou de me traiter de garce. Voire les deux (ce qui serait fort envisageable).

Il retire son bras, regarde dans le vague. Je me sens minable, mais au moins, j’ai fait ce que j’avais à faire (oui, oh, on se raccroche aux branches qu’on peut, hein). Puis, au bout de dix minutes d’un silence poignant : « Bon, ben on va p’tet changer de film, du coup… ».

J'ai pas trop compris si le « du coup » signifiait plutôt « comme j’ai plus trop envie de te faire plaisir, allons voir Harrison », ou plutôt « comme on ne va pas passer l’heure à se galocher, allons voir un film d’action ». Mais j’ai pas osé demander, bizarrement.

On a vu Harrison, on n’a plus échangé un mot ou presque, il a filé juste après le film, et je suis bien la dernière à pouvoir l’en blâmer. Mais au moins, dans ma tête, ce « petit con de dragueur » n’avait pas eu le dernier mot avec moi.


Quelques mois plus tard, j’ai appris que ma copine F. qui avait déblatéré comme une folle sur B. était en fait raide dingue de lui, et jalouse à crever de ne pas avoir été son ‘élue’ le soir de sa fête d’anniversaire. Quant à B., il devait culminer à trois gentilles conquêtes avant « nous », et avait finalement beaucoup du profil ‘petit copain idéal’ dont on rêve à quinze ans.
Bilan des courses : une amourette zéro, une copine rayée de la liste, et une réputation d’enfer dans le lycée de B., forcément. Jackpot, quoi.

« Copine » mon œil, oui. With friends like that, who needs enemies ?


* Oui bah, pour ceux qui viennent ici tous les quinze jours, faudra vous taper les archives. Et ce sera un zéro pointé pour la fidélité et la régularité du lectorat. Que je ne vous y reprenne pas.

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Commentaires
C
Succulent ! Je dois être assez fleur bleue car j'avais à la fin de l'histoire un très leger pincement au coeur. un peu dans le style Liaisons dangereuses ton histoire ! <br /> Eh ? Y a pas moyen de la retrouver cette F. ? Histoire de lui faire peau niak niak niak !<br /> <br /> J'ai adoré l'anecdocte "du coup allons voir le film d'action !"<br /> <br /> xx
T
Tu étais la favorite car il sait repérer les filles extra c'est tout ce qui compte :)
L
Le pauvre !!! <br /> Et alors moi, à ta place, la copine, je lui démonte le cerveau avec tout ce qui me passe par la tête, je la maudis pour au moins 25 générations ! ;-)
B
F. est une ordure. <br /> Et dis, tu sais où j'étais samedi soir? A 2m de Bénabar, le sourire jusqu'aux oreilles pendant 2h30 de concert. Oui, ça n'a aucun rapport avec ton billet, mais j'avais envie de te le dire:-)
K
Elle > tu l'as dit...<br /> <br /> SAnjuro > ah non, j'avais prévenu depuis le début !<br /> <br /> Marion > Les filles, c'est fourbe.<br /> <br /> Ophise > hé hé, moi aussi, repenser à cette anecdote me fait remonter pleins de drôles de souvenirs...<br /> <br /> Lou > non. Et ne jamais écouter sa mère quand on en a trente ! :)<br /> <br /> Cécile -1 Quadra > ah ben j'espère, qu'on a toutes eu notre lot. c'est formateur, comme tu dis !<br /> <br /> arpenteur > prends des roses, c'est plus tendance en ce moment...<br /> <br /> Toni > ou bien "un de perdu, DIX à trouver" !<br /> <br /> Ceucidit > tu parles, l'un dans l'autre, il était bien content d'aller voir un film d'action au lieu de l'autre niaiserie, je suis sûre ! :)<br /> <br /> Pocahontas > ah oui, ça te rend lyrique, mes affaires, toi ! Je serais plus grossière que ça, à ta place ! :)
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