Service (mal) compris
J’ai beau être une fille bien sous tous rapports (y’en a un seul qui moufte à ce sujet, ça va très mal se passer), il y a vraiment un domaine où je me trouve godiche au possible : toutes ces histoires de pourboires me fatiguent au plus haut point. J’en laisse un ? J’en laisse pas ? Et si oui, combien ? Et comment le faire de façon ni ostentatoire (genre "tenez, pour vous, petit personnel") ni trop discrète (genre raflé en douce par les voisins d’à côté pour payer leur propre conso). Non, franchement, ce truc-là, c’est une affaire à me rendre chèvre.
Oui, je sais. Vous allez me dire "c’est simple : tu donnes quand t’es contente, et tu donnes pas quand t’es pas contente". Ah super, merci. C’est vrai que je pourrais arrêter ce billet ici, du coup. Et aller regarder une série ou deux sur mon ordi au lieu de m’enquiquiner la vie à écrire des trucs sur ce blog. C’est vrai. Mais c’est mal me connaître.
Perso, en matière de pourboire, j’ai une échelle de valeur assez relative, totalement basée sur le feeling-power. Par exemple, je donne uniquement au chauffeur de taxi qui ne m’a pas pris la tête tout le trajet à me faire son 36 15 my life ou à me demander sur un ton niais si « alors on est sortie, ce soir ? » (non non, la robe de soirée et le maquillage de pouffiasse, c’est juste pour aller louer un dvd). Parce que moi, j’aime bien être peinarde dans un taxi, regarder la rue défiler en repensant à ma soirée, ou envoyer un sms de débrief à Meilleure Amie.
En revanche, si faut faire la moitié du boulot à la place du mec, lui indiquer le trajet par le menu (alors que même le GPS le lui dit, de ‘tourner à droite’) ou lui conter fleurette pour lui faire passer le temps, merci bien, mais moi, je prends le bus, c’est moins cher. A ce rythme-là, faudra bientôt passer soi-même en cuisine au resto pour se faire cuire son propre steak bleu ou à point.
Dans les salons de coiffure, en revanche, c’est une autre paire de manches. Et mon ‘feeling-power’, je m’assois dessus, direct. Parce que là, bêtement, je me sens obligée de donner un petit quelque chose à la pauvre fille qui vient de batailler deux heures quarante avec mes cheveux pour leur donner un doux reflet blond californien (même si j’ai juste envie de pleurer en voyant le résultat merdique), ou bien à celle qui s’est acharnée des plombes le séchoir à la main (et la goutte au front) pour me faire le brushing de Jenifer Aniston (elle a eu chaud – très chaud – je peux le sentir d’ici. Et il n’est que 12h45, dommage pour les clients suivants). Je suis d’un con, des fois, je le sais bien. Je sais aussi que je ne remettrai jamais les pieds dans ce salon de coiffure, mais ça…
Je suis d’un con, certes. Mais j’ai observé un peu les gens qui m’entourent, et en matière de pourboires, on ne peut pas dire que je puisse compter sur eux pour me servir d’exemple à suivre. Si vous voulez mon avis, eux aussi sont complètement paumés sur le sujet.
Dans le genre cigale, j’ai une amie qui peut laisser 2 euros de pourboire juste pour un café commandé, qui a coûté lui 1,30 euros. Elle fait ensuite des yeux tout éberlués quand son banquier lui apprend qu’elle est dans le rouge dès le 12 du mois. Rafraîchissant, comme attitude.
D’autres, en revanche, ne laissent jamais le moindre centime, contents ou pas contents, parce que « c’est déjà suffisamment cher comme ça », « il/elle a déjà un salaire, non ? », « est-ce que moi je demande un pourliche quand je fais les photocopies ? Bon. ». Ah ouais, d’accord. Mais dans ce cas, faudra pas venir s’étonner ensuite si les serveurs mettent des plombes à servir un Orangina et si les coiffeurs qui loupent les balayages blonds californiens s’en tamponnent comme de leur première dent de lait. Puisque de toute façon, au final, ce sera kif-kif pour leur poche. (Ah, oui, évidemment, on pourrait parler du seul sens du travail bien fait par fierté, mais là, tout de suite, j’ai pas trop envie, en fait).
Je sais, j’ai des problèmes vraiment existentiels. Et encore, je ne voudrais pas me faire plaindre, mais je vous laisse imaginer ce qui arrive quand je cumule dans la même journée visite chez le coiffeur, virée au bar, resto entre potes ET rentrage en taxi. Ca s’agite tellement dans mes petits neurones que ça frôle la rupture d’anévrisme direct. Dur, quoi.
Allo Docteur Derek ? J'ai vraiment très mal à la tête, vous pouvez m'auscultez ? (Et puis après, on ira boire un verre.)