Une nounou d'enfer
On a coutume de dire que le sexe fort, c'est l'homme. Moi, je veux bien, mais dans ces cas-là, va falloir venir m'expliquer deux trois trucs qui m'échappent, au sujet de nos chéris poilus et testostéronés.
Qu'on ait parfois besoin d'eux et de leurs biscottos pour ouvrir le bocal de cornichons ou monter la nouvelle étagère Ikea, certes. Je veux bien admettre que ça peut rendre service. (Encore que. C'est surtout parce que je n'aime pas monter les Billy et autres Flögstul suédois toute seule, parce que quand il faut malgré tout s'y mettre, je masterise nickel) (j'veux dire, ça tient à peu près droit). M'enfin y'a quand même parfois des situations qui me laissent perplexe.
Prenons les médicaments, par exemple. 99 % des hommes qui m'entourent (Chéribibi, frangins, copains...) sont catégoriques sur le sujet : "Non merci, j'en veux pas de ta chimie de pacotille". Sous-entendu : je suis grand, je suis fort, je suis un homme un vrai, et je peux gérer ma migraine et ma rage de dents sans avaler une batterie de gélules colorées comme des bonbecs. Alors que bon, franchement, si le Doliprane a été inventé, c'est bien pour soulager facilement les petits tracas quotidiens, et pas juste pour décorer la salle de bain et encombrer les sacs à main des filles. Mais soit, si ces messieurs veulent jouer les cowboys vaillants, admettons. (Tant qu'ils le font sans chouiner comme des mômes).
Pourtant, une fois de temps en temps, on voit ces grands costauds se métamorphoser en petite chose fragile et vulnérable, prêts à s'en remettre à tous les conseils médicaux de la première personne attentionnée venue. Chéribibi, par exemple (mais ne lui dites pas que je parle de lui dans ce billet), m'a dernièrement transformée en nounou d'enfer à cause d'une méchante brûlure à la main. "Ca fait maaaaaalllllll", qu'il a braillé depuis la cuisine. Je l'ai trouvé tétanisé devant ses bouts de doigts transformés en Knackis, là où n'importe quelle fille normalement constituée se serait déjà ruée sur le tube de Biafine pour limiter les dégâts. C'est en lui badigeonnant moi-même les doigts de pommade que je me suis sentie responsable de ce grand gaillard redevenu, durant quelques minutes, un tout petit enfant.
Idem les rares fois où Monsieur choppe une vilaine grippe qui le cloue au lit. Là, j'aime autant vous dire que les grands principes "niet aux médocs" passent vite fait à la trappe. Limite si je ne suis pas obligée de fermer l'armoire à pharmacie à clé, tellement il serait capable, si je le laissais faire, d'avaler à la suite 3 Nurofen, 4 Prontalgine et 8 Strepsils. "Pour être efficace plus rapidement", ais-je même entendu comme explication. Mais bien sûr...
Finalement, peut-être que c'est un comportement assez répandu. Même Bruce Willis, après avoir vaillamment sauvé le monde en s'étant pris au passage trois mandales dans la mâchoire, une traversée de vitre brisée et deux tirs de fusils à chasse dans l'épaule, sursaute et pleurniche quand la jolie fille du film lui tapote doucement un coton alcoolisé sur son arcade sourcilière ouverte. C'est peut-être ça le secret des vrais mecs d'aujourd'hui : laisser entrevoir, une fois de temps en temps, leur vraie sensibilité, cachée derrière leur armure de guerrier des temps modernes ?