Taupe model
Toutes ces filles qui s’amusent à porter des lunettes uniquement par coquetterie ou comme simple accessoire de mode m’ont toujours fait halluciner. J’ai un mal fou à comprendre qu’on puisse se coller des binocles sur le visage par envie et pas par besoin. En même temps, si je vous avouais que je suis miro depuis mon plus jeune âge, et que je complexe à mooooort sur mes lunettes de vue depuis près de quinze ans, peut-être que vous comprendriez mieux mon point de vue.
C’est pas compliqué, je suis myope comme pas permis. A côté de moi, on peut dire qu’une taupe a les yeux bioniques de Super Jamie, tellement j’y vois que dalle sans lentilles ou lunettes. A l’époque des soirées pyjamas, c’était d’ailleurs le jeu favori de mes copines, de me demander combien de doigts elles me montraient de loin, et de m’entendre invariablement répondre à côté de la plaque. Ca les faisait toujours beaucoup rire. Moi, moins, bizarrement.
Les lentilles de contact m’ont sauvé la vie pendant une quinzaine d’années, masquant aux yeux de tous mon plus gros complexe. Non sans mal, quand même. Evidemment, il fallait me trimballer mon petit flacon de sérum physiologique en permanence sur moi. Evidemment, je ne pouvais pas ouvrir les yeux sous l’eau quand on chahutait à la plage. Evidemment, la plus petite poussière dans l’œil était intenable, et je redoutais l’allergie ou la conjonctivite qui m’aurait obligée d’un coup à devoir reporter mes affreuses lunettes de myope qui me défiguraient tant. Evidemment, à la moindre rencontre amoureuse, il fallait jongler du lever au coucher avec la salle de bain pour qu’ « il » ne me voie surtout pas affublée de cette horrible chose répugnante. (Ah ça oui, quand j’ai un complexe, j’y vais pas de main morte avec).
J’ai joué le jeu comme ça pendant quinze ans. Et puis un matin, mes yeux ont dit stop. Conjonctivites et irritations à répétition, sécheresse oculaire à s’en frapper la tête contre les murs de douleur, et impossibilité de reporter des lentilles. J’étais condamnée. Aux lunettes, je veux dire.
Retour de boomerang. Hop : les complexes sagement enfouis là, en bas, bien au fond de moi, ont refait surface d’un coup. Et avec plus de violence que je ne l’aurais cru. On pourrait croire qu’à trente ans, les crises de l’adolescence sont loin, que la confiance acquise est plus solide et plus forte qu’autrefois, et que le fait - plutôt basique - d’être myope et de devoir porter des lunettes pour y voir clair ne viendra pas tout chambouler pour autant. Mais en fait, si. Pour moi, en tout cas, ça a été le cas.
Un vrai bon gros bordel dans ma tête, mélange de crises de doute et de tentatives d’acceptation. Jusqu’au jour où mon ophalmo m’a donné le feu vert, et que … j’ai sauté le pas pour l’opération chirurgicale. Yihhhaaaaaa. C’était vendredi dernier. C’était un grand moment de rock’n roll, et je vous raconte tout ça très rapidos dans un billet moins orienté « confessions intimes sur divan de psy ». (Parce que oui, c’est rare ici, mais parfois, ça fait du bien d’écrire sans faire le clown).
PS : Ce billet n’a absolument pas pour but de débattre si oui ou non, les lunettes c’est moche. Qu’on soit bien ok : je trouve très souvent ça ravissant sur d’autres personnes, mais je ne me suis personnellement jamais acceptée avec, pour des raisons qui vont sans doute très au-delà de ce que j’ai bien voulu écrire ici. Merci de ne pas m’envoyer la ligue des défenseurs des droits des myopes de France.
PPS : Article pas du tout sponsorisé par Optic 2000. Qu’on soit d’accord là-dessus, aussi. :)