Macadam cow-girl
J’ai souvent entendu dire que "le bonheur est dans le pré"… Mouais. Alors là, chuis pas très sûre. Excusez-moi les gars, mais perso, j’aurais plutôt tendance à être bien plus à l’aise dans mes baskets au milieu du goudron et des immeubles de la jungle urbaine.
Rhhhooooo, ca va bien, hein. Faites pas cette tête-là, tout de suite. Ca va de soi, que les week-ends au grand air pur et frais de la campagne verdoyante, j’adore. Bien sûr, que trottiner pieds nus dans l’herbe fraîche mouillée de rosée, ça me chatouille les orteils de plaisir. Evidemment, que le gazouillis des moineaux me semblera toujours plus doux à l’oreille que les rhhhouuu-rhhoouuuuuu casse-bonbons des pigeons parisiens en rut.
Oui, mais quand même. Y’a un truc qui coince. La campagne et moi, a priori, on n’est pas super potes. Pourtant, c’est pas faute d’avoir essayé.
Prenons l’exemple du pique-nique. Bon. A la base, l’idée est plutôt bonne, j’admets. Aller s’affaler sur de grandes nappes colorées jetées sur l’herbe, sortir tout un attirail de trucs faciles à manger avec les doigts, déjeuner en position allongée comme au temps des Romains, savourer la convivialité et la bonne humeur de ces moments-là. Très bien, très bien, vous dirai-je.
Hé ben en pratique, je trouve ça assez vite relou, le pique-nique, moi. On ne sait jamais comment poser son verre pour ne pas en foutre partout, on a les doigts qui poissent à cause de la compote qui a fuit dans le sac, la fourchette en plastoque vient de nous claquer entre les mains parce que pas assez solide, et le pain du sandwich est devenu tout mollasse à force d’avoir traîné dans le papier alu. Génial, le truc.
Et encore, c’est sans compter sur ces saloperies d’insectes qui ont décidé de ne plus nous lâcher la grappe sous prétexte que « ça sent bon, par ici ». Parce que vous le savez aussi bien que moi : où que vous vous trouviez, dans n’importe quelle région du globe que vous soyez, à un moment ou un autre, y’a forcément une connasse de fourmi qui viendra mettre le souk en se croyant invitée à la fête, et qui rameutera toute sa clique de copines (et elles sont nombreuses, les biques) pour lui tenir compagnie au bar. Aucune civilité, ces bestioles, je vous dis.
Autre exemple à hurler de rire : la sieste dans le hamac, bercée par le chant des cigales. Ah oui, sur le papier, c’est très joli, on s’y croirait presque. Mais en vrai de vrai, la cigale et son cccrrrrr-cccrrrrr bien sonore, ils ont vite fait de nous tirebouchonner les nerfs, tellement on ne s’entend plus penser. D’ailleurs c’est simple, il suffit qu’elle daigne s’arrêter deux minutes de chanter, la cigale, pour qu’on se mette à guetter le moment où elle recommencera de plus belle. Un cercle vicieux infernal. Topissime, l’ambiance détendue pour la sieste, après ça…
Il faut aussi que je vous avoue un truc bizarre. A la campagne, je ne sais pas pourquoi, mais je redeviens une enfant en un claquement de doigt. Très étrange, ça : alors que je quitte Paris, je suis une jeune femme assurée, dynamique, belle, intelligente, drôle (mais quoiiiiii heuuuuu… laissez-moi rêver deux secondes, merde, c’est trop demander ?), il suffit que je pose le pied à Percahoute-les-Brouettes (au hasard) et j’ai à nouveau huit ans. (Bon, ok… huit ans ET des rides et de la cellulite. Ca va, hein).
Les orages de campagne me font peur, par exemple. Le ciel déchiré par les éclairs, l’écho amplifié du tonnerre, la pluie qui dévale des gouttières dans un raffut infernal. Je trouve ça très beau, mais absolument terrifiant. Alors que chez moi à Paris, « pffffiiiou, vas-y mon pote, gronde et tonne autant que tu veux, m’en fous, même pas mal ».
J’aime pas non plus les bruits que fait une vieille maison de campagne. Tous ces craquements, grincements, couinements, claquements, ça me flanque la chair de poule quand je suis au fond de mon lit, à m’imaginer connement que là, c’est sûr, y’a un mec qui marche sur le toit. « Mais si, c’est évident, je reconnais des bruits de pas sur les tuiles ». Evidemment, l’imagination nocturne étant propice aux délires paranoïaques les plus débiles, je dérive rapidement vers le « il va s’introduire dans la maison par le vasistas, va tous nous égorger dans notre sommeil, ça va se finir en faits divers, je vais faire la Une des journaux et je serai même plus là pour lire ça ». Du grand n’importe quoi en version « régression à trois francs six sous ». Limite si je ne checke pas sous le lit, non plus. Des fois que…
Ah, et puis pour finir, j’aime pas les grosses araignées dégueulasses avec leurs pattes longues et fines. Tout comme je n’aime pas ce proverbe crétin qui dit « araignée du soir, espoir ». Espoir de quoi, franchement ? De se faire piquer un peu moins rapidement que le matin ? Tssss… Et arrêtez de tout confondre, vous aussi, hein. J’ai pas dit que j’avais ‘peur’ des araignées, j’ai dit que j’aimais pas. Nuance (ahem…)
Non, vraiment, mon amour pour la nature a ses limites. Je sais que j’ai définitivement plus l’âme d’une fleur de béton que d’une fleur des champs. Mais y’a quand même une chose de sûre : si vous m’offrez un énorme bouquet de tulipes, de tournesols ou de jonquilles, vous êtes sûr de me faire très plaisir. Comme quoi, c’est pas si compliqué, une fille de la ville…