Pomme Z
Vous n’aimeriez pas, parfois, pouvoir remonter dans le temps et effacer ce qui vient tout juste d’arriver ? Appuyer sur Pomme + Z pour « annuler la dernière action » et recommencer à zéro ?
Bah moi aussi. Pas plus tard que la semaine dernière, j’ai encore eu cette furieuse envie de contrôler la touche « Rewind » du magnétoscope de ma vie.
Je vous plante le décor. Dimanche matin. Réveil tardif. Un peu dans le gaz. Et absolument rien dans la cuisine qui puisse ressembler de près ou de loin à l’équivalent d’un petit-déj’. Or je sais pas vous, mais moi, je ne peux pas commencer une journée sans un petit quelque chose dans le ventre.
Pleine d’entrain (du moins pour un dimanche matin-quasi-midi), j’enfile rapidement un jean, des vieilles converses roses et un gros pull, m’emmitoufle dans une écharpe, attrape quelques euros, et trottine gaiement jusqu’à la boulangerie la plus proche de chez moi.
Je salive déjà à l’idée d’un pain au chocolat ou de chouquettes, quand soudain, vision d’horreur. Là, devant moi, attablé à la terrasse de café, J., mon ex. Cerise sur le pudding, il est accompagné d’une ravissante petite blondinette aux airs de poupée, qui n’est sans doute pas sa cousine, si j’en crois les regards de Bambi qu’elle lui lance.
J. m’aperçoit et me fait un large sourire en se levant. C’est déjà bien, il aurait pu tirer la tronche. Je me dirige vers lui, tout en faisant mentalement la check-list du tableau affligeant qu’il a devant les yeux : je suis donc habillée comme un sac, pas un poil de maquillage, les cheveux à peine coiffés en un vague chignon, genre retour de plage mais sans le côté maillot deux-pièces et grains de sable collés à la peau qui rendent le tout sexy.
Bien. C’est PAR-FAIT.
Il fallait évidemment que je tombe sur lui aujourd’hui. Pas hier, quand je portais mon fabuleux pantalon noir et mes talons vertigineux. Non. Aujourd’hui. Avec mes vieilles Converses. Roses, je vous le rappelle. C’est mêêêêrveilleux, le hasard, n’est-ce pas ?
« Comment vas-tu ? Ca me fait plaisir de te voir. Remarque, en venant dans le quartier, j’avais une bonne chance de tomber sur toi. »
Je lui souris, un peu crispée. (« Donne-moi deux secondes, je décroche la corde du lustre, je range le tabouret, et je suis à toi ».)
« Ben ça va… »
J’hésite à rajouter un truc dans le genre « comme tu le vois, je suis au top de mon sex-appeal », mais c’est peut-être pas la peine d’en remettre une couche, au point où j’en suis.
La discussion ne s’éternise pas, vu qu’on n’a qu’une envie, mes godasses et moi : aller se planquer au fond d’un trou. J. doit me trouver un peu distante. Bambi, quant à elle, se contente d’un regard appuyé me détaillant de la tête aux pieds, qui semble vouloir dire « Ah, c’est elle ? hé ben… ».
Aaaaaaarrrrgggggg ! Les boules. Les maxi-boules, même. J’aurais voulu qu’il me revoie sous un meilleur jour. J’aurais voulu qu’elle ne me juge pas si sévèrement. J’aurais voulu faire Pomme Z.
Nadia m’a dit une fois « ta vie ressemble à un film de Claude Pinoteau (La Boum / L’Etudiante), pleine de petits incidents très amusants à observer, mais qui doivent être assez chiants à vivre soi-même ».
Bon, admettons. Mais est-ce que dans ce cas, je pourrais avoir les mêmes seins que Sophie Marceau, à défaut de lui ressembler ?