Du porc à toutes les sauces (#balancetonporc)
C'est une lame de fond qui déferle sur les réseaux sociaux depuis quelques jours. Dans le prolongement de l'affaire Weinstein, et pour redire haut et fort qu'il n'y a pas que dans le cinéma que les femmes sont souvent traitées comme des objets et des bouts de viande, chacune ose déballer, hashtags évocateurs à la clé (#balancetonporc, #metoo), les diverses agressions sexuelles dont elles ont été victimes, un jour ou l'autre, parfois depuis leur plus jeune âge. Certaines ne font que l'évoquer à demi-mot, par pudeur ou par honte. D'autres racontent explicitement leurs mésaventures, de la plus banale à la plus choquante.
Oui, "banal"... C'est tristement ce mot qui m'est souvent venu en tête quand je lisais leurs témoignages. Parce qu'aujourd'hui, quand on est une femme, c'est tristement banal de se faire traiter de salope parce qu'on ne veut pas discuter sur le quai du métro. C'est tristement banal, aussi, de se faire mettre une main aux fesses dans les transports ou les concerts. C'est tristement banal, encore, de se voir reluquer de la tête aux pieds d'un oeil lubrique qui met franchement mal à l'aise.
Je pourrais moi aussi vous en raconter des annuaires, sur toutes ces situations éprouvantes vécues depuis plusieurs années. Cette fois-là où, suite à une petite altercation, un mec et son copain m'ont sorti une liasse de billets froissés de la poche en me disant "les putes, on les paye pour les baiser, toi t'auras même pas ce privilège !". De ce type qui s'est installé face à moi dans le métro, son imper plié sur les genoux, et a tout simplement commencé à se masturber à grands renforts de soupirs, pendant que je gardais les yeux obstinément fixés sur le paysage qui défilait le long de la ligne 6 (aérienne). Ou de celui-ci qui me caressait (comme ce mot est mal approprié vu le contexte) l'entrejambe en regardant mon reflet gêné dans la vitre du RER. J'étais jeune, je savais que c'était mal et que ça me dérangeait, mais j'étais pourtant incapable de bouger ou de lui dire d'arrêter.
Ou enfin, de ce souvenir très vivace encore alors qu'il date de près de trente ans : je prends le métro avec ma classe pour aller au cours d'escrime, je suis en jogging, je discute avec mes copines, quand je sens soudain quelqu'un derrière moi, très proche. Trop proche, vu que le wagon n'est pas totalement rempli. L'homme se frotte contre moi, je sens peu à peu son sexe durcir, se dresser contre mon dos, mes fesses. Je perds le fil de la discussion avec les autres, j'implore ma maîtresse du regard, j'ai l'impression qu'elle seule, à quelques mètres de moi, pourra me venir en aide. Mais elle ne percute pas (la pauvre, je ne la blâme pas...) et la situation perdure jusqu'à ce qu'on descende enfin du wagon. J'avais 9 ans, mais tous les souvenirs sont intacts comme si c'était arrivé hier.
Je ne vous raconte pas tout ça pour étaler mes malheureuses expériences tel un catalogue, il suffirait pour cela de lire tous les témoignages diffusés ça et là sur les réseaux sociaux. Pas une seule fille de mon entourage n'a rien à raconter sur le sujet. Pas une. Pensez-y aussi, vous mes lecteurs, s'il y a encore quelques hommes par ici : vos soeurs, vos amies, votre petite amie, votre mère, vos filles peut-être déjà... toutes ont eu, un jour ou l'autre, à subir une remarque déplacée, un regard dégradant ou un attouchement agressif, quand ce n'est pas pire.
Forcément, aujourd'hui maman, je pense à mes filles. Au chemin qu'il va falloir bientôt entreprendre pour aborder ces sujets sans en faire des craintives et des flippées de la gente masculine. Et je pense aussi aux parents de petits garçons, qu'il va leur falloir éduquer dans la bonne direction, vers le respect et la considération des filles, des femmes. Pour que les affaires Weinstein et les hashtags #metoo ne soient pas juste qu'un coup d'épée dans l'eau, mais le détonateur d'une société qui a profondément besoin d'évoluer. Le chemin sera long...