Foursquare, for what ?
Au début, il y a eu Facebook. C'était nouveau, c'était "révolutionnaire", et on a tous (ou presque) sauté à pieds joints dedans, pour partager nos photos de trek en Argentine, vérifier les profils de nos ex ou s'assurer que la bombasse de nos années lycée était bien devenue une mère de famille quelconque (c'est à dire cernée et le cheveu en berne) et qu'il y avait une justice. (Je ne vise personne en particulier).
Ensuite, il y a eu l'effet Twitter, ces petits messages courts à effet SMS, envoyés à la totalité de son carnet d'adresses en un clin d'œil. Comme il était passionnant et rassurant de pouvoir clamer à la face du monde que "J'ai trop bien réussi mon risotto cette fois", que "Oui, il pleut. Je le sais, je suis dessous", ou de commenter en direct live les rebondissements in-cro-yables de Koh Lanta ou de Masterchef, et de recevoir dans le même temps toute une flopée de réponses d'"amis" regardant le même programme, au même moment. L'impression de faire partie d'une bande, virtuelle certes, mais gigantesque, c'est quand même super trippant, apparemment. (Ahem).
Et puis récemment est arrivé le petit dernier, supposé faire fureur chez tous nos amis geek et branchés nouvelles technologies, j'ai nommé FourSquare. Koitesse, dit-elle ? Foursquare, pour les bienheureux qui ignorent encore tout de ce truc débile, c'est une application qui permet de révéler à qui veut l'entendre toute l'étendue de sa vie passionnante, minute par minute. Un adepte de Foursquare dégaine son téléphone dans tous les endroits où il se trouve, pour "checker", c'est à dire valider sa présence sur le lieu. En gros, il indique donc à tout son entourage que là, "il achète son pain à la boulangerie Mie & Croutons", que là, "il prend le métro à République", qu'à 14h, il était "au McDo de Châtelet-les-Halles", et que là tout de suite, il se rend "chez Décathlon Place d'Italie". Su-père.
Pour rendre ce système encore plus neu-neu, chaque Foursquareur se bat pour devenir "Maire" des différents lieux où il se rend, car plus il "checke dans ses endroits et plus il y gagne de l'importance. Celui qui réussit à valider sa présence le plus de fois en un laps de temps donné est donc élu Maire.
So what, j'ai envie de dire. Aujourd'hui, la page Facebook de la plupart de mes amis adeptes de Foursquare ressemble à un itinéraire GPS. Ha ha ha, rirai-je bien fort. Ce petit jeu crétin me fait hurler de rire (jaune) quand je repense aux levers de boucliers d'il n'y a pas si longtemps, quand la RATP a voulu systématiser le pass Navigo (qui enregistre de façon électronique tous les déplacements des usagers sur le réseau ferré), ou quand le gouvernement a évoqué ce fameux fichier Edwige, dans lequel est consignée une tripotée de renseignements personnels sur tout individu lambda.
"Ouais, c'est l'état policier", "ouais, personne n'a à savoir ce que je fais, où je vais, comment et à quelle heure", "ouais, bientôt, on nous greffera des puces pour nous traquer"... que ça braillait bien fort dans les rangs, bras levés au ciel en signe de rebelle-attitude.
Aujourd'hui, ce n'est même plus à l'insu de son plein gré que l'on renseigne consciencieusement toutes les cases permettant de retracer à la minute près la journée de untel ou untel. J'en reste coite. Et un peu énervée aussi, on l'aura compris.
Chéri, tu pourras rapporter du pain en rentrant à la maison ? Ah ne mens pas, je sais que tu es près de la boulangerie, tu l'as dit sur Foursquare. Hin hin.
EDIT : Anne-So n'en démord pas : FourSquare, c'est d'la balle ! (Enfin, elle explique ça beaucoup mieux, avec ses jolis mots à elle : c'est ici).