Je suis trop pudique ou bien ?
Je me suis posée la question ce matin, en prenant le métro. J’étais plongée en pleine torpeur post-réveil quand je remarque une minette assise en face de moi, qui commence à sortir fiévreusement de son sac à main tout son attirail de fille, à savoir miroir de poche, fond de teint, mascara, crayon à sourcil.. Et la voilà qui se met à se faire une petite beauté, au beau milieu des voyageurs qui la fixent d’un air mi-amusé, mi-consterné. Elle se serait contentée d’un léger raccord blush ou crayon, je veux bien, mais là, elle nous sort le grand jeu.
Bien sûr, ce n’est pas la première greluche que je vois se faire belle dans les lieux publics, mais je me fais à chaque fois la réflexion qu’il faut avoir une sacrée dose de confiance en soi pour pouvoir se montrer sous cet angle aux yeux de parfaits inconnus. Je suis personnellement incapable d’en faire autant. Au-delà du fait que j’aurais bien trop peur de me faire un œil de raton laveur, ou de faire déraper sauvagement mon rouge à lèvre sur la joue à cause d’un à-coup trop sec de métro, je trouve surtout que c’est un geste hyper intime et personnel. Franchement, qui a envie de regarder de bon matin une nana se peinturlurer le visage de fond de teint, jusque dans les recoins des ailes du nez, ou de la voir se faire les yeux en ouvrant tout grand la bouche comme une carpe, en signe de concentration extrême ? Car oui, mesdames, sachez-le : au terme d’une étude très approfondie basée sur un échantillon représentatif de toutes mes copines, on ouvre TOUTES la bouche quand on s’applique du mascara sur les cils. C’est un réflexe physique, parait-il…
Si je suis honnête avec moi-même, je dois dire qu’il n’y a pas que le fait de se maquiller en public qui me pose problème. Je suis également tétanisée (ou presque) à la perspective de manger quelque chose dans un endroit public restreint, comme le métro ou le bus. Vous ne m’y verrez jamais mordre un sandwich à pleines dents à l’heure du déjeuner, ou engloutir un pain au chocolat, ou même croquer dans une pomme (et encore moins une banane), même si d’énormes gargouillis se font entendre dans mon estomac. Là encore, aucune envie de me retrouver avec le décolleté recouvert de miettes, des bouts de salade entre les dents, et l’air hagard de la vache normande en train de mastiquer sa bouchée les yeux dans le vide. Moins dix points de "glamour attitude" en trente seconde ! Oui, je sais, je ne devrais pas faire passer mon image avant mon appétit. Mais désolée, dans le métro, j’y arrive pas.
Dans un autre genre, je déteste parler au téléphone devant des personnes que je ne connais pas. Les gens qui racontent leur vie dans le bus comme s’ils étaient seuls au monde ("et là, il me dit… alors je lui dis… et tu sais pas ce qu’il me répond… si, j’te jure !"), ça me crispe. D’un côté, je n’ai pas envie de les écouter, mais de l’autre, je ne peux pas m’en empêcher. C’est con, hein ? Perso, la plupart du temps, mon portable est sur mode silencieux quand je suis dans les transports en commun. Je ne m’en sers qu’en cas d’extrêêêêême urgence (du genre "J’ai oublié de programmer le magnéto pour enregistrer Lost, tu peux t’en charger, diiiis ?").
A la réflexion, je me demande si mon angoisse réelle n’est pas à mettre en rapport avec un quelconque déficit de confiance en soi. Vous savez bien, la peur de se faire remarquer, de se faire entendre, d’émerger de la masse…Est-ce que ma pseudo-phobie ne serait pas plutôt les reliquats d’une enfance de petite fille sage qui ne dit jamais un mot plus haut que l’autre, comme on le lui a appris ?