Laisse les gondoles à Venise
Il faut bien le dire : partir en week-end découverte au beau milieu de
décembre dans une ville mythique comme Venise, c'était une drôle
d'idée. Et pourtant, à la faveur d'une impulsion un peu remaniée, nous
voilà une dizaine à embarquer sur l'Easy Jet pour le pays des gondoles, afin d'y
célébrer en doudoune et polaire les trente ans d'une amie.
Étrangement, moi qui ai voyagé dans moult contrées exotiques et lointaines, je n'avais jusqu'alors jamais mis un pied en Italie, et partais avec la légère appréhension de me les cailler sévèrement dans mes bottes. Mais un pays qui sent bon les effluves de pizza et pasta à tous les coins de rue ne peut pas être foncièrement mauvais, me disais-je.
Armés de nos plus chauds cache-cols* et chandails* laineux, nous voilà ainsi partis arpenter les rues et ruelles de la ville aux mille ponts. Alors certes, Venise en plein décembre, ça ne ressemble en rien aux images qu'on peut avoir de la ville romantico-cucu des dépliants touristiques. Rangez les gondoliers chantonnants, les touristes encombrants et les quais grouillants. Il faut bien dire ce qui est : y'a pas grand monde pour nous casser les pieds dans les rues en cette saison.
A chaque médaille son revers : certes, la ville nous appartient, mais elle a aussi profité de la basse saison pour se refaire une petite beauté. C'est sûr, la Basilique Saint Marc sous les échafaudages, ça perd tout de suite de son cachet initial. Déjà que je n'étais pas fan de son look de gros cupcake doré...
Mais le pire reste à venir. Dans mon imaginaire, le fameux Pont des Soupirs, dont j'avais tant entendu parler, était selon moi un lien emprunt de romantisme et de fièvre amoureuse où l'on s'embrasserait fougueusement avec Chéribibi, emportés par un tourbillon de passion. Force est de constater que j'étais assez mal renseignée, puisqu'il apparaît que ce fameux pont reliait le Palais des Doges à la Nouvelle Prison, et qu'il est totalement fermé afin que l'on ne puisse voir ni entendre les condamnés qui se rendaient en tôle. Pour le romantisme, revenez en semaine 2, merci et au revoir. Quant au spectacle visuel, j'ai là aussi un peu la sensation de m'être fait arnaquer.
Déconfits devant la tournure des événements, nous décidons de nous culturer un peu, et de visiter les deux bâtiments de la collection Pinault, supposée rassembler tout le gratin de l'art contemporain. Si j'avais encore des doutes à ce sujet, je suis désormais totalement convaincue : les artistes modernes sont tout de même bien barrés du ciboulot. Entre les sculptures de cul de cheval encastré dans le mur, les lapins géants qui câlinent des ours, et les reconstitutions de l'oeuvre nazie propre à faire rendre à quiconque ses gnocchis du déjeuner, mon coeur balance (comme mon estomac). Heureusement que le Palazzo Grassi en lui-même a vraiment de la gueule.
Bien heureusement, mon imaginaire n'avait pas menti sur un point : la gastronomie. Pizza, pâtes et risotto comblent à merveille mes envies de féculents, et je me découvre une nouvelle passion pour les linguine al vongole (palourdes). L'italie est fourbe : c'est un pays où l'on prend cinq kilos rien qu'en lisant la carte du restaurant. Au moins, températures mister freeze obligent, j'ai évité le désastre complet en faisant l'impasse sur les gellati du coin.
De ce premier contact avec l'Italie me reste des souvenirs mitigés. Partagée entre la beauté de la ville et la déception ressentie devant les principales attractions touristiques. Je partirai volontiers à l'assaut de Rome, Naples ou Florence, à la découverte des campagnes de Toscane et des volcans de Sicile. Mais je laisse à Venise ses gondoles, ses canaux et ses vaporetto, sans être certaine de les revoir un jour. Ce qui ne m'étonne pas, finalement : je n'ai pas le pied marin.
* Spéciale dédicace à ma grand-mère.